« Anarchy in the U.K. » – 21/09/76

100 Club au 100 Oxford Street à Londres (Angleterre)

Avec : Stinky Toys, les Damned, Vibrators et Buzzcocks
Organisation : Malcolm Mc Laren
Tarifs :

Pendant l’après-midi je me balade dans Portobello Road avec Liliane qui prend des photos des pubs. Dominique Tarlé s’achète une veste indienne et Liliane pique une écharpe baba en soie. J’achète un vieux disque de Mick Ronson. Nous passons chez Larry De Bay qui est installé derrière son bureau a Bizarre Records dans Praed Street. Vers cinq heures nous nous dirigeons vers Oxford Street. Les punks font la queue devant le Club 100 : il y a plus de chevelus qu’hier. Les tenues ne sont pas aussi extravagantes. Les Toys sont la : il n’y avait pas assez de chambres réservées à leur hôtel, et Benain a du dormir dans celle de François Baudot. Les Clash veulent bien prêter leur matériel aux Toys. Le patron demande que le groupe commence tout de suite mais il n’y a encore presque personne dans le club. « Si vous ne passez pas dans cinq minutes, vous êtes virés », déclare le gros lard. Jacno fait semblant de s’accorder pendant près d’un quart d’heure quand le gros excédé monte sur la scène de la salle a moitié vide et annonce : « This is James Brown and the Flamettes. » Elli chante le début de Funny Death, Bruno (guitare), Albin (basse) et Hervé (batterie) sont assez intimidés, Jacno (guitare rythmique) saute, se met à genoux, danse et impressionne beaucoup le public. Puis c’est Lonely lovers… Elli asperge la scène de bière : « Com’on, let’s add some plastic beauty to this dirty life, let’s make our life us perfect as a movie… » Puis c’est une version très rapide (presque trop) de Under my thumb, suivie du traditionnel Substitute des Who et pour finir Hang on to Yourself de David Bowie. Caroline Coon du Melody Maker va interviewer Elli qui lui dit qu’hier, quand elle a su qu’elle ne pouvait pas jouer, elle s’est précipité dans Oxford Street, et que si on ne l’avait pas retenue, elle passait sous un bus. Après leur set, les Toys accompagnés de Benain reprennent le train pour Paris ; moi, je reste avec Liliane pour voir les Damned. Les Damned qui avait fait führer a Mont-de-Marsan ont beaucoup de fans a Londres. C’est un tout nouveau groupe mais ils disent déja : « Si nous nous étions formés six mois avant, nous aurions déjà évincé les Pistols. » Dave Vanian, le chanteur, est âgé de dix-sept ans ; il a les cheveux gominés et les ongles peints en noir. Il est entièrement vêtu de cuir noir et son regard outrageusement fardé rappelle celui de Udo Kier dans Blood for Dracula de Warhol. Rat Scabies est torse nu,il délaisse souvent sa batterie pour grimper sur les haut-parleurs et insulter le public. Brian James saute avec sa guitare tandis que Ray Burnes sort de sa basse une overdose de sons déchiquetés. Dave Vanian roule ses yeux de speed freak en manque et arpente la scène comme un capitaine de la Gestapo. Hier avec les Pistols la surenchère a la violence faisait partie du spectacle, mais aujourd’hui le show des Damned contient en germe tellement de violence réprimée qu’elle va éclater au grand jour presque jusqu’à la catastrophe. Pendant qu’il éructe les paroles de I’m feelin’ allright, Dave voit une chope de bière venir s’écraser sur le crane d’une jeune fille qu’il connaît, juste devant la scène. Maintenant, ce n’est plus un jeu : du sang a giclé sur mon blouson de skai' noir. Vanian ne sait plus ce qu’il doit faire, il pousse la foule, donnant des coups de micro à gauche et a droite (je dois moi-même en esquiver quelques-uns) et s’efforce de soutenir la jeune blessée qui vacille : « Where is this son of a bitch ? » Après l’ambulance, un car de bobbies arrivera et arrêtera Syd Vicious qui est trouvé en possession d’une arme. Malcolm McLaren veut se faire servir une bière au bar : on lui refuse. « Pourquoi n’avez-vous pas de gobelets en plastic ? Ce serait moins dangereux. » Ensuite c’est Chris Spedding qui joue accompagné des Vibrators : ils n’ont répété que deux morceaux, Motor bikin’ et Jump in my car, puis ils joueront des rock traditionnels du style Johny B.Good ou Great Balls of Fire. Enfin pour clore la soirée, Buzzcocks, dont le chanteur Howard Devoto ressemble un peu a Tintin au pays des Soviets. Eux aussi jouent des morceaux qui se ressemblent. De toute façon j’ai tellement entendu de groupes pendantces deux jours que je suis incapable de distinguer quoi que ce soit. Une fois le passage des Buzzcocks terminé, je me dirige vers le Marquee ou les Hot Rods jouent ce soir. C’est full up. Le concert est terminé et les kids qui en sortent ont des mines radieuses, épanouies, rien à voir,avec les visages blafards et les regards noirs des punks du Club 100. Je reste quelque temps pour boire des bières backstage avec Barry Masters. I1 s’est fait couper les cheveux très courts ce qui le rend encore plus mignon. I1 me parle de Paris : « Comment vont les filles qui sont venues me parler après un concert : Valérie, Anne ? » – «  Elles sont toutes amoureuses de toi. » «  – I1 faut que je passe plus de temps avec elles quand je reviendrai. » Je lui offre une petite tour Eiffel qu’i1 accroche à son blouson… «  – Bonne nuit, Barry. »

Alain Pacadis « Un jeune homme chic »
  • STINKY TOYS : Elli Medeiros (chant), Bruno Carone (guitare), Jacno (guitare), Albin Deriat (basse), Hervé Zénouda (batterie).
  • Sur le front : Alain Pacadis.