« Festival Bas-Rock » – 06/11/76

Avec : Etron Fou le Loup Blanc, Kevin Coyne, Steve Hillage, Benoît Blue Boy, Urban Sax, Stinky Toys et Angel Face

Porte de Pantin à Paris (75)

Concert Bas-Rock organisé par Jacques Pasquier et Thierry Haupais. Au départ, il ne devait y avoir que de la musique planante avec en top bill Steve Hillage. Mais finalement, les organisateurs me font confiance.
Dans l’après-midi, il y aura deux groupes punk. Quelle va être la réaction d’un public de baba cool devant les sales vibrations importées de N.Y. et des bas-fonds de Londres ? Je dois annoncer les groupes. C’est la première fois de ma vie que je monte sur une scène : impression agréable. Les Stinky Toys ouvrent le feu : ils vont très bien jouer, contrairement a leur concert de Londres où ils étaient crevés. Jacno, rythmic guitar et fondateur du groupe (19 ans), joue a genoux tandis qu’Elli Medeiros (20 ans), la chanteuse, fait le grand écart. Albin, le bassiste, n’a que 17 ans, le lead-guitar Bruno a 20 ans et Hervé, le batteur, 18. C’est dire qu’ils sont jeunes. L’arrogance qui jaillit lors d’un de leurs passages sur scène n’est pas sans rappeler le tout début des Stones. Leur musique n’est pas basée sur une technique acquise par des années de travail mais sur le flash, essence même du rock, un éclair qui frappe vite et fort, qui fait mal. Lorsqu’ils sont passés au Club 100 a Londres, ils se sont fait remarquer et, la semaine suivante, Elli était sur la couverture du Melody Maker, le journal de rock le plus connu en Angleterre. Outre-Manche, on consacre un groupe que les Français ont ignoré. Bien sûr, ils sont « Too much too soon » comme les Dolls, bien sûr, leur arrogance ennuie et jette un certain malaise, mais c’est justement ce qui fait leur charme. Ensuite, Angel Face, dont la démarche est totalement différente. On est a la limite du rock, le groupe cultive le paradoxe : Henri Flesh navigue entre la force animale pure et les subtilités de l’androïde. Paradoxes des compositions qui évoluent entre les riffs speedés et les vagues sonores vicieuses. Paradoxe de la ville béton et de ses banlieues noircies par les cheminées d’usine. La mutation et la mort sous les sons ultraviolents de la jungle urbaine attend Angel Face, qui n’oublie pas aussi qu’i1 est des parcours violents pour des cœurs tendres et que le Brown Sugar dissout les sons au point de les rendre limpides comme les pulsations d’un cœur mort. Après le concert, plutôt que de rester voir les autres groupes qui ne nous intéressent absolument pas, tout le monde préfère se retrouver chez moi. On va acheter des bières et écouter des nouveaux disques. Il y a Daniel Vermeille qui est en ce moment a Paris, Capta, Zozo, les Toys, Angel Face et comme d’habitude des tas de gens que je ne connais pas.

Alain Pacadis "Un jeune homme chic"

STINKY TOYS : Elli Medeiros (chant), Bruno Carone (guitare), Jacno (guitare), Albin Deriat (basse), Hervé Zénouda (batterie).